Archives de catégorie : Bibliographie

Fortifications & artillerie… lorsque les mots ont un sens !

Magasin à poudre des Minimes - Blaye
Magasin à poudre des Minimes – Blaye

À l’heure où le langage s’appauvrit à vue d’œil, les réseaux sociaux en sont le témoin, au quotidien, il est un domaine où le mauvais usage des termes fait quelque ravages : il s’agit d’un domaine qui nous est cher, les fortifications !

L’art de la fortification, fort d’une histoire plus que millénaire — de la fortification médiévale en passant par la fortification bastionnée et jusqu’à ses ultimes avatars —, a développé un langage aussi spécifique que précis : un terme ou une locution (groupe de mots constituant une unité lexicale) ont, le plus souvent, un signifiant unitaire.

Une préoccupation déjà ancienne… trouver le mot juste.

En l’occurrence, hier comme aujourd’hui, le (bon) dictionnaire est notre meilleur allié. Si les ouvrages sont nombreux, on y inclut également tous les ouvrages spécialisés (cf. Balliet J.M. — bibliographie critique).

Deux exemples…

1° Un ouvrage qui avait connu une grande notoriété éditoriale et aujourd’hui probablement aisément accessible (cf. Gallica & al.) amis qui est loin d’être exempt de défauts.

LA CHESNAYE-DESBOIS (François de Aubert de)Dictionnaire militaire, ou recueil alphabétique de tous les termes propres à la guerre, Sur ce qui regarde la Tactique, le Génie, l’Artillerie, la Subsistance des troupes, & de la Marine. On y a joint L’explication des travaux qui servent à la construction & à la manœuvre des vaisseaux ; Les Termes des Arts mécaniques qui y ont rapport, comme Charpentiers, Menuisiers, Forgeurs & autres ; Et des détails historiques sur l’origine et la nature des différentes espèces, tant d’offices militaires anciens & modernes, que des armes qui ont été en usage dans les différens tems de la Monarchie par M.A.D.L.C. Nouvelle édition, Revuë, corrigée & considérablement augmentée par M. E. Colonel-Ingénieur au service de Sa Majesté le Roi de Pologne, Electeur de Saxe. Dresde, George Conrad Walter, 1751 ; in-12, [vol. 1] 1271 pp, [vol. 2] 1191-191 pp.

Par M.A.D.L.C., i. e. François Alexandre Aubert de La Chesnaye Des Bois [1699-1784], édition augmentée par un officier anonyme qui, d’après Bardin, serait Eggers (Jacq. von). Seuls les articles marqués d’un astérisque sont véritablement de lui. On trouvera plusieurs suppléments à la fin du second volume. Une liste des régiments d’infanterie, de cavalerie et de dragons français sur pied à cette époque. Outre un bref historique et le nom des colonels, on y trouve une description des pièces de l’uniforme. Suit une liste historique des troupes espagnoles précédée d’une dissertation sur les noms de tous les régiments (traduit de l’espagnol par I.E., Colonel-Ingénieur), une liste historique des troupes d’Autriche, de Saxe & de Hanovre L’auteur après avoir été capucin et s’être fait compilateur aux gages du journaliste Desfontaines, compose sept ou huit dictionnaires sur toutes sortes de matières (noblesse, les poissons, etc.). Bardin critique sévèrement cet ouvrage : « On ne peut le regarder que comme une entreprise de librairie, et il n’offre qu’une marqueterie littéraire sans mérite. Lachesnaie cousait sans goût ni choix des extraits ou des articles entiers qu’il dérobait aux livres militaires français qu’il avait sous la main ; c’est ainsi qu’il a pillé mot à mot Bénéton et tant d’autres ; il arrangeait ensuite alphabétiquement ces lambeaux sous le passeport juste faux de tel ou tel mot pris au hasard ; aussi son dictionnaire n’est-il éclairé d’aucune critique ; il offre des opinions contradictoires, des raisonnements longs et obscurs, sans divisions, sans interprétations, sans esprit d’analyse. ». Cet ouvrage sera traduit en Allemand et repris en français en 1758.

2° La référence en matière de dictionnaire d’artillerie : L’ouvrage du colonel COTTY et son supplément.

COTTY (Colonel G. H.)Paris, Chez Mme Vve Agasse —Librairie militaire d’Anselin (Supplément), 1822-1832 ; in-4, vii-508 pp. – Supplément vii-637 — [5] pp.

Dictionnaire englobant les termes des dernières avancées en matière d’artillerie, se donnant pour but la continuation des travaux de Pommereul pour l’Encyclopédie méthodique de 1784 (Pommereul en fit approuver le plan par Gribeauval et demanda la collaboration des officiers du corps royal de l’artillerie). L’auteur a su dépasser le cadre d’un dictionnaire en y insérant des articles sur la balistique (Servois) ou en présentant avec précision l’état contemporain du personnel et du matériel de l’artillerie dont il avait une connaissance intime. Si Bardin relève quelques fautes typographiques, en particulier dans la partie bibliographique où plusieurs noms propres sont orthographiés de manière inexacte, le dictionnaire de Cotty est réellement précieux pour tous les techniciens. Gaspard-Hermann Cotty occupera de nombreuses fonctions d’importance : On lui doit la création de la célèbre manufacture d’armes de Châtellerault (1816) et, avec le grade de général d’artillerie, il s’intéresse tout particulièrement au pendule balistique (des épreuves sont réalisées à Gâvres sous sa direction). Envoi autographe ainsi qu’en témoigne la lettre de l’auteur au Comte Charbonnel, lieutenant-général d’Artillerie.

Relié à la suite : Supplément au dictionnaire de l’Artillerie par le général baron H. COTTY, directeur du service des poudres et salpêtres, commandeur de la Légion d’Honneur, chevalier de Saint-Louis. Dictionnaire spécialisé englobant les termes des dernières avancées en matière d’artillerie et se donnant pour but la continuation des travaux de Pommereul pour l’Encyclopédie méthodique de 1784 qui fit date et qui reste aujourd’hui le dictionnaire de référence en matière d’artillerie de la première moitié du XIXe. Ex-libris aux armes du Baron J. de Cartier d’Yves. Exemplaire avec un envoi autographe de l’auteur.

Quelques exemples sauront éclairer notre propos.

  • Une place forte est trop souvent confondue avec une citadelle : pourtant la nature des deux objets est tout autre ;
  • « Batterie côtière » alors que le terme approprié correspond à « Batterie de côte » : si le mésusage est fréquent ; il ne viendrait pourtant à l’esprit de personne de parler « d’artillerie campagnarde » !
  • L’utilisation des mots tels qu’« encuvement », certainement par analogie, mais toujours de manière inappropriée, alors qu’il s’agit, dans ce cas, d’une « cuve à canon » ou, le cas échéant, d’un alvéole d’artillerie (ce n’est pas une erreur, c’est un nom masculin même si le féminin est accepté).

Un terme honni… celui de « poudrière » !

Analysons de manière plus approfondie une erreur parmi les plus fréquentes… la fameuse « Poudrière », terme à bannir s’il en est un lorsqu’on parle de fortifications !

Vous chercherez probablement vainement ce terme dans les dictionnaires et manuels d’artillerie ou de fortification.

C’est le fameux Dictionnaire de la langue française, par É. Littré — LE Littré — qui bien qu’ancien, puisque publié à la fin du XIXe siècle, en donne la définition la plus précise et surtout met en garde à l’encontre d’un usage inapproprié ! D’après le Littré, le terme « Poudrière » connaît trois acceptions…

1° Boîte à poudre pour sécher l’écriture.

2° Boîte, récipient dans lequel est contenu l’approvisionnement de poudre d’un tireur ; on dit aussi poire à poudre.

3° Fabrique de poudre à canon, Dict. de l’Acad. (Cela est contraire à l’usage de l’artillerie qui dit toujours poudrerie.)

Magasin de poudre, Dict. de l’Acad. (Cela est contraire à l’usage de l’artillerie, qui dit toujours magasin à poudre.)

Cet exemple est particulièrement éloquent : le dictionnaire de l’Académie est ici dans l’erreur… les académiciens ont beau porter une épée, il s’agit de gens de lettres généralement peu versés dans les sciences militaires ! Le Littré montre ici toutes ses qualités par ses remarques tout à fait pertinentes.

C’est bien l’usage militaire du terme qu’il faut retenir, car c’est le seul qui, en l’espèce, se révèle exact et vous chercheriez vainement dans quelque texte plus ancien le terme « poudrière » !

Magasin à poudre - Fort Médoc
Magasin à poudre – Fort Médoc

Pourtant le magasin à poudre semblerait connaître dans la marine un synonyme connu de tous, la fameuse « Sainte-Barbe ». Là encore, nous serions dans le faux (toujours d’aprs le Littré)… Terme de marine. Emplacement qui, dans un vaisseau, contient les ustensiles d’artillerie (emplacement qui a toujours été distinct de la soute aux poudres). Abusivement, on a dit : « mettre le feu à la sainte-barbe » pour « mettre le feu aux poudres, à la soute aux poudres ».

Plaidoyer pour un bon usage de la terminologie…

En matière de sciences historiques, le choix linguistique est particulièrement important, car il permet d’être précis dans son propos : richesse lexicale et richesse de la pensée, lorsqu’il s’agit de la partager avec autrui, vont de paire !

Aujourd’hui, les sources de qualité — imprimées voire sur Internet — sont suffisamment nombreuses pour permettre, avec un minimum d’efforts et d’attention, d’utiliser le « mot juste ».



Dr Balliet — 30 août 2018



Magasin à poudre  — Citadelle de Besançon

Un livre, un jour… Les cuirassements allemands de la période 1890-1914 (2e vol., 2018)

Feste Wagner (Metz) : 10 cm Panzerturmkanonenbatterie, 10 cm T.K. (Verst.)
Feste Wagner (Metz) : 10 cm Panzerturmkanonenbatterie, 10 cm T.K. (Verst.)

Faisant suite à la publication de l’année antérieure (cf. [FORTIFIKATION Spezial 7] – D.V.E. Nr. 385 Panzervorschriften Band I/III. Berlin, Interfest, 2017), ce deuxième tome a doublé de volume ce qui ne manquera pas de ravir les amateurs d’un document très précieux qui bénéficie d’une qualité de reproduction que l’on peut qualifier, tout simplement, d’excellente.

Alors que le premier fascicule traitait des cuirassements dédiés à l’observation, le présent volume aborde le sujet des pièces d’artillerie sous cuirassement : 6 cm P.T., 6 cm P.T. (l.), 10 cm T.K., 10 cm T.K. (verst.), kz. 10 cm T.K. et le 10 cm K. (i. s. L.).

Il va presque sans dire qu’un ouvrage d’une telle qualité est à recommander sans réserve !

FORTIFIKATION Spezial 8] – D.V.E. Nr. 385 Panzervorschriften Band II/III. Berlin, Interfest, 2018 ; oblong, 196 pp.

Fortifikation-Interfest-Spezial-8

À découvrir sur le site de l’association Interfest

De nombreuses pièces sont aujourd’hui encore visibles, plus particulièrement à Mutzig (Kaiser Wilhelm Feste II), Metz, Thionville…

10 cm T.K. (verstärkt) Kaiser Wilhelm Feste II (KW II) - Batterie B6 en 1940
10 cm T.K. (verstärkt) Kaiser Wilhelm Feste II (KW II) – Batterie B6 en 1940

Kaiser Wilhelm Feste : Batterie 1 (10 cm K.i.S.L.) [1898-1899]

Kaiser Wilhelm Feste : Batterie 1 (10 cm K.i.S.L.) [1898-1899]

Kaiser Wilhelm Feste : Batterie 1 (10 cm K.i.S.L.) [1898-1899]

Balliet J.M. — 21 août 2018

Un livre, un jour… Les cuirassements allemands de la période 1890-1914

Entre 1903 et 1905, le ministère de la guerre allemand avait fait rédiger et publier une série de dix fascicules portant sur les cuirassements — coupoles, tourelles et affûts à bouclier — qui équipaient dans les fortifications allemandes contemporaines. Elles ont été réunies dans un recueil marqué « Confidentiel » sous le titre de « D.V.E. Nr. 385 Panzervorschriften ».

Feste Obergentringen (Fort de Guentrange) – juillet 1940 (coll. de l’auteur)

Ce premier opus d’une série de trois ouvrages vient compléter le mémoire sur les cuirassements publiés en 1903 puisque les fascicules ont été réactualisés jusqu’au début du premier conflit mondial. Cette publication réalisée à partir de copies des années 1990 a été parfaitement menée à bien par A. Brüns et l’association Interfest qui mettent ainsi à disposition un document particulièrement précieux pour les chercheurs et les amateurs. Ce premier fascicule porte sur les coupoles et tourelles d’observation du type P.B.T. 94, P.B.T. 96, P.B.St. 96, P.B.St. (l.), P.B.St. 05 et P.B.St. (l.)

[FORTIFIKATION Spezial 7] – D.V.E. Nr. 385 Panzervorschriften Band I/III. Berlin, Interfest, 2017 ; oblong, 95 pp.

À découvrir sur le site de l’association Interfest

Un livre, un jour… Les fortifications de Vienne au 16e s. — Wien als Festungsstadt im 16. Jh.

OPLL F., KRAUSE H., SONNLECHNER CWien als Festungsstadt im 16. Jahrhundert. Zum kartografischen Werk der Mailänder Familie Angielini. Böhlau, 2017.


Si, pour nombre d’entre vous, hormis quelques spécialistes en fortifications particulièrement pointus et germanophones de surcroît, les fortifications de Vienne peuvent ne présenter que peu d’intérêt, vous auriez peut-être tort au regard de la richesse de cet ouvrage.


En effet, les fortifications de Vienne opèrent une profonde mutation sous la pression conjuguée des Turcs et des évolutions de l’architecture militaire. Sous l’influence des ingénieurs italiens par mi les plus célèbres, une imposante enceinte bastionnée va désormais défendre Vienne.


D’autres ingénieurs y feront également une apparition. C’est, plus particulièrement, le cas de l’ingénieur strasbourgeois Specklin (i. e. Speckle) dot l’influence sur les fortifications de l’espace germanique sera importante. À ce propos, les auteurs corrigent un certain nombre d’idées qui révèlent in fine erronées sur le rôle de Specklin à Vienne… Si Fischer (in FISCHER A. – Daniel Specklin aus Strassburg (1536-1589). Festungsbaumeister, Ingenieur und Kartograph. Sigmaringen, 1996) lui attribue un rôle actif et important, ce n’est de facto pas le cas. Cependant Specklin tire certainement de son séjour prolongé à Vienne de nombreux enseignements et apporte, par ses écrits, un témoignage de première main particulièrement précieux ! Pour ceux qui s’intéressent au célèbre ingénieur strasbourgeois, cet ouvrage un complément bienvenu !


Enfin, la qualité des illustrations, un texte fouillé, de nombreux développements à propos des ingénieurs italiens de l’époque et de nombreuses annexes particulièrement fournies m’amènent à recommander cet ouvrage sans réserve.


Bien cordialement.


JMB

Un livre, un jour… Actes du second colloque sur les strates d’occupation militaires et les paysages

Un premier colloque en 2011 portant sur les strates d’occupation militaire dans le paysage — Militärische Schichten der Kulturlandschaft — qui avait connu un grand succès. Dans la suite, un second symposium — Militärische Ü̈berreste in der Kulturlandschaft — avait eu lieu, en février 2015, à l’université de Freiburg i. B. sous l’égide de l’Institut alémanique.

Les actes font l’objet d’une publication qui s’insère dans les annales de l’Institut — Alemannisches Jahrbuch 2015/2016 — sous une forme quelque peu originale pour ce qui me concerne. En effet, Mme le Dr R. Johanna Regnath, m’avait proposé de rédiger mes articles sous une forme bilingue ! Excellente proposition couplée à un sacré challenge qui se devait, bien évidemment, d’être relevé.

Il en résulte deux articles, en français et en allemand, qui se complètent l’un et l’autre, tout en se partageant les illustrations : 

J.M. Balliet « Les strates d’occupation militaire en Alsace entre les deux conflits mondiaux » et « Die Ausbaustufen der militärischen Besatzung im Elsass zwischen den zwei Weltkriegen ».

Par ailleurs, on y trouvera également une excellente contribution rédigée par un fin connaisseur des fortifications allemandes construites dans les années quarante sur le front ouest — le fameux Westwall — et leur devenir : F. Wein « Von der Wiese zum Bunker zur Wiese. Unterschiedliche Wahrnehmungen in Bezug auf die Westbefestigungen 1935–2015 »

Je me dois de remercier ici très chaleureusement Mmes Regnath et Wizemann pour leur appui et leur investissement, non seulement pour ce qui me concerne, mais également pour avoir conduit à son terme la publication de ces annales dont la présentation et la qualité d’impression sont remarquables… Papier couché, joli cartonnage de l’éditeur, nombreuses illustrations en couleur !

Les références de l’ouvrage : Alemannisches Jahrbuch 2015/2016. Jahrgang 63/64. Freiburg, Alemannisches Institut, 2017.

Il contient en outre d’autres articles d’excellente facture bien qu’éloignés du fait militaire et les annales peuvent être acquises auprès de l’institut alémanique. Vous trouverez toutes les informations utiles ainsi que les coordonnées sur le site de l’institut.

Bien cordialement. 

JM Balliet

Lorsque les sciences historiques sont confrontées à la dure loi de Brandolini !

Lorsqu’il s’agit de publier, de communiquer dans des colloques ou, plus simplement, au profit de quelques amateurs, éclairés ou non, il importe que le discours soit toujours de qualité en conjuguant la nécessaire rigueur — il convient de maîtriser ses sources — à accessibilité du propos qui doit correspondre aux attentes et niveau de son auditoire.

Sources imprimées… Un "must" pour tout chercheur qui se respecte (coll. & cliché Balliet J.M.)
Sources imprimées… Un « must » pour tout chercheur qui se respecte (coll. & cliché Balliet J.M.)

Certes, on peut, en maîtrisant parfaitement son sujet, arriver à un degré d’abstraction qui n’est pas forcément rédhibitoire mais qui, en pratique, ne conviendra qu’à un public très restreint. En effet, quel que soit le public (et son niveau de connaissances), il ne faut en aucun cas négliger les indispensables interactions entre l’auteur — i. e. le conférencier — et son auditoire : le jeu des questions et des réponses, loin d’être fastidieux, nourrit souvent utilement les deux parties. C’est, in fine, une véritable source de richesse, à mes yeux, la plus essentielle !

On pourrait se satisfaire de cette situation, c’est peu ou prou mon cas car je n’interviens que très ponctuellement et toujours de manière factuelle sur les forums ou les réseaux sociaux.

Pourtant, à l’aune de ce que j’observe depuis plusieurs années, on est inévitablement confronté à une série de dérives qui nous interrogent. Il ne s’agit pas seulement de la qualité des échanges ou des propos que l’on peut observer sur Internet — les forums et autres réseaux sociaux en sont parfois la parfaite illustration — mais aussi de certaines publications qualifiées d’universitaires où, sous prétexte de propos au caractère souvent lénifiant, on assiste à quelques délires intellectuels qui nous laissent parfois pantois.

On pourrait penser qu’il s’agit de deux mondes que tout oppose, pourtant ils adoptent souvent les mêmes travers. Plus particulièrement : une maîtrise insuffisante des sources où il s’agit non seulement de lire (cela semble de plus en plus désuet) mais aussi de comprendre. En résumé… Cela relève, dans un cas comme dans l’autre, du baratin !

Et, s’agissant de baratin, on ne peut manquer d’évoquer la loi de Brandolini qui se définit comme suit : « La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter du baratin est beaucoup plus importante que celle qui a permis de le créer » (cf. Echosciences – Grenoble)

LA bibliothèque, en fait, une des bibliothèques car le savoir te l'espace occupé par les livres ne connaissent guère de limites (cliché Balliet J.M.)
LA bibliothèque, en fait, une des bibliothèques car le savoir te l’espace occupé par les livres ne connaissent guère de limites (cliché Balliet J.M.)

Pour illustrer notre propos sous une forme imagée, nous nous sommes permis d’adapter, sous une forme abrégée, l’excellente chronique publiée dans la revue Défense & Sécurité Internationale (DSI n°127 janv.-février 2017 p.114) sous le titre « Le prout et la loi de Brandolini ».

« Jusqu’à il y a encore peu, disons dix ou quinze ans, l’avis de votre médecin sur cette toux bizarre comptait plus que celui du cousin Gégé du bar d’en face, surfeur sur le web de son état, à qui, par définition, « on ne la fait pas ». Aujourd’hui, Gégé semble avoir gagné et votre toubib a juste le droit d’être insulté « d’élite déconnectée du vrai peuple ». Ce qui est vrai pour les vaccins — des maladies ont fait leur réapparition — l’est aussi dans notre domaine pour une raison inconnue, les gens ont oublié que l’histoire était complexe et que la méthode scientifique, c’est subtil et repose surtout sur le concept de démonstration. 

Bienvenue dans le monde « postvérité » : aujourd’hui, être expert ou lire des livres peer-reviewed — i. e. revu par un comité scientifique —ne sert plus à rien ; avoir un avis, le plus souvent mal informé, suffit, et l’exprimer à la face du monde sur les réseaux sociaux à valeur de légitimité. En effet, il suffit d’offrir un petit lavage de vos connaissances historiques : « Quoi, en plus, il faut savoir faire une ligne du temps pour étudier un conflit ? Ah ben si j’avais su… C’est pas grave, je vais vous faire un alignement de trucs glanés çà et là. Prends ça dans ta face, sale élite déconnectée ! » De fait, le savant ou celui qui cherche à l’être est bien désarmé. 

Cela a même été théorisé : la loi de Brandolini stipule que « la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter du baratin est beaucoup plus importante que celle qui a permis de le créer ». Bref, allez tous mourir avec vos bouquins remplis de nuances, Gégé va s’en nourrir comme autant de munitions au peloton d’exécution de la science comme méthode de progression vers la vérité historique. Ce que ne dit pas la loi en question, c’est comment se tirer de ce bourbier. 

Cliché J.M. Balliet
Cliché J.M. Balliet

Au vrai, la solution existe depuis quelques siècles et s’appelle la méthode. Seulement, c’est plus long et ça implique des efforts. Or Gégé a pas mal de vidéos rigolotes de chats à visionner encore aujourd’hui, ce qui l’empêchera de devenir un véritable expert. Il préférera la voie facile consistant à confondre hypothèse, opinions et faits et ne surtout jamais se remettre en question. Bref, l’affaire n’est pas gagnée et, s’il faut espérer une chose, c’est bien de vous voir lire beaucoup et de ne pas oublier qu’un véritable expert tire une fierté toute particulière de savoir qu’il ne sait pas tout et que chaque question à laquelle il a répondu en appelle bien d’autres. »

Faut-il alors baisser les bras… Certes non, mais la lutte s’avère, dans bien des cas, inégale !

Bien cordialement. 

J.M. Balliet

Technologie de l’information… De la pérennité des sites internet.

Bonjour,

À l’aune de mon expérience — www.artillerie.info a été créé en 2002 et www.fortifications.fr en 2006 — les changements de plateformes de développement se sont toujours révélés chronophages et coûteux… C’est aussi le prix de sites dépourvus de publicités et dont le contenu est intégralement maîtrisé, au bénéfice des lecteurs !

Plus orienté vers des formes de communication, colloque et conférences, et les publications traditionnelles, je n’avais, pendant plusieurs années réalisé qu’une maintenance minimale du contenu alors que la forme semblait convenir. J’avais depuis lors privilégié mon blog qui connaît aujourd’hui un succès important — et étonnant… Plusieurs milliers de visites mensuelles ! — au regard de son caractère spécialisé. Pourtant, inexorablement, le temps a fait son œuvre et l’obsolescence technologique se révèle désormais presque rédhibitoire   

Ce n’est que récemment que je me suis résolu, enfin, à changer d’outil de développement pour adopter — c’est le cas, dans un premier temps, de mon site www.artillerie.info — les standards de programmation Web les plus récents. Il s’agit non seulement de s’adapter aux nouveaux logiciels (Webbrowsers) mais surtout aux nouvelles habitudes de lecture : les consultations à partir de téléphones mobiles ou tablettes concurrencent sérieusement l’ordinateur dans sa forme classique.

Désormais, consulter un site internet à partir des plate-formes mobiles se révèle comme un « must ». Les sites se doivent alors d’adopter répondant aux exigences d’un « Web responsive design » (trad. d’une architecture adaptative)… Il n’en va pas seulement du confort des utilisateurs mais surtout de la pérennité des sites !

En effet, la communication via Internet a pris une place importante, pour le meilleur et le pire… Si, un nombre important de sites & blogs n’amènent qu’une valeur ajoutée assez faible — i. e. essentiellement alimentés le plagiat — d’autres se révèlent comme de véritables pépites. Pourtant, nombre de ces sites, semblent condamnés à court ou moyen terme. Deux raisons essentielles me semblent y contribuer :

  • Utilisant souvent des environnements de développement et d’hébergement tiers, souvent gratuits, la récupération du contenu est souvent très difficile voire impossible. La maîtrise des données hébergées est une condition sine qua non de la pérennité d’une site ; 
  • Les évolutions technologiques, en particulier l’adaptation aux nouveaux moyens de consultation n’est pas toujours assuré… Aujourd’hui les résultats des recherches dans des moteurs tels que Google prennent ces aspects techniques en compte pour hiérarchiser les résultats. Un site sans un flux de visiteur est inévitablement condamné.

Si on trouve, sans peine, nombre de sites technologiquement obsolètes, on peut mettre en exergue le travail remarquable réalisé, qui plus est sous une forme collaborative, par une association strasbourgeoise : www.archi-wiki.org qui peut être également consulté au moyen d’une « app » dédiée sur les mobiles.

Il me semble donc tout à fait adapté d’attirer l’attention des gestionnaires de sites  et de forum — au moins ceux de qualité — sur la nécessité de disposer d’environnements adaptés en maîtrisant l’environnement technologique. C’est une condition sine qua non pour que leur pérennité puisse être assurée.

Pour mettre en exergue le caractère « Web responsive », cette courte vidéo illustrant une consultation de mon site refondu à partir d’un téléphone portable… Vidéo à découvrir ici 


Bien cordialement. 

J.M. Balliet

Un livre, un jour… Le château du Taureau & la baie de Morlaix

À la découverte de la baie de Morlaix… le château du Taureau, façade ouest.

Jusqu’à il y a peu, celui qui s’intéressait au château du Taureau et aux fortifications de la baie de Morlaix ne pouvait trouver son bonheur que dans une publication presque éponyme de G. Lécuillier. Publiée en 2005, cette édition était devenue d’un accès difficile en librairie voire chez les bouquinistes.

L’auteur et son éditeur offrent, en cette fin d’année, une nouvelle édition a été non seulement revue mais également très augmentée. La lecture est très agréable : une succession de chapitres d’une dimension très contenue qui aborde des thématiques très variées. En effet, l’auteur ne se contente ni d’une classique étude architecturale, ni d’une simple narration à caractère historique.

Le choix est très heureux : il devrait ravir le plus grand nombre même si, avec l’œil du chercheur plus spécialisé en matière d’artillerie et de fortifications, on aurait aimé que quelques chapitres soient un plus étoffés et quelques propos précisés. Au regard de la qualité d’ensemble de l’ouvrage, ce n’est toutefois nullement rédhibitoire et ces développements souhaités peuvent aisément trouver leur place par l’intermédiaire de canaux dédiés.

En tout état de cause, il s’agit là d’un ouvrage à mettre entre toutes les mains, du chercheur le plus averti au simple curieux !

LÉCUILLIER (G.) – Le château du Taureau. Baie de Morlaix. Spézet, Coop Breiz, 2016.

À la découverte de la baie du Morlaix et du château du Taureau

Quelques clichés du château du Taureau, aujourd’hui admirablement restauré, souvenirs de notre voyage d’étude en Bretagne Nord [2015]…

À la découverte de la baie de Morlaix… le château du Taureau, façade ouest.
À la découverte de la baie de Morlaix… le château du Taureau, la tour Française & l’accès au fort.
À la découverte de la baie de Morlaix… le château du Taureau solidement établi sur son rocher (façade est).
À la découverte de la baie de Morlaix… le château du Taureau, façade ouest.

Ars militaris nach der Revolution. der europäische Festungsbau in der 1. Hälfte des 19. Jahrhunderts und seine Grundlagen [parution]

À signaler la publication du volume 8 de l’excellente série d’ouvrages publiés à la suite des colloques annuels de la Deutsche Gesellschaft für Festungsforschung [DGF]… 

 

 

 


[FESTUNGSFORSCHUNG Bd. 8] – KUPKA (Hrsg. A.) – Ars militaris nach der Revolution. der europäische Festungsbau in der 1. Hälfte des 19. Jahrhunderts und seine Grundlagen. Regensburg, Schnell & Steiner – Deutsche Gesellschaft für Festungsforschung, 2016 ; in-8, 272 pp.
ISBN: 978-3-7954-3140-2


Les sujets traités abordent une période importante et par trop négligée : cette première moitié du 19e siècle qui comprend encore les guerres de l’Empire. C’est durant cette même période qu’on s’éloigne, peu à peu, des dogmes professés par la fortification bastionnée et ses hagiographes.
La diversité et la richesse des contributions témoignent d’une dynamique qu’il faut initialement chercher en Allemagne et en Italie, même si la main est, étonnamment, parfois française (cf. infra) :

  1. KUPKA A. – Ein kleiner Überblick zur Kölner Stadtbefestigung.
  2. OTTERSBACH C. – Türme, Kaponnieren und Kasematten. Die Grundlagen für den europäischen Festungsbau der ersten hälfte des 10. Jahrhunderts.
  3. SIEVERT P. – Die preußische Befestigung Kölns von 1815 bis 1870.
  4. MEYNEN H. – Baukünstlerische Gestaltung der Kölner Militärarchitektur seit 1815.
  5. LOEW B. – Die preußische Modernisierung der Festung und der Garnison Saarlouis.
  6. WAGNER R. – Militärarchitektonische Experimente in der Festung Luxemburg.
  7. PODRUCCZNY G. – Die Tätigkeit Friedrichs des Großen auf dem Feld der beständigen Befestigung und sein Einfluss auf die Befestigung des 19. Jahrhunderts.
  8. JORDAN K. – Die hoheitliche Kennzeichnung der Bundesfestungen 1815-1866. Ein Rekonstruktionsversuch.
  9. BALLIET J.M. – Der französische Genieoffizier Chasseloup de Laubat und der Napoleonische Einfluss auf den Festungen in Norditalien (1796-1830).
  10. BRAGARD Ph. – The defensive system of the Dutch Belgium (1815-1830).
  11. BAKKER H. – Die neue Holländische Wasserlinie.
  12. BERTHOLD A., MADER I. – Der Festungsplaner Maximilian Joseph von Österreich-Este.
  13. RELLA C. – Der europäische Festungsbau in Übersee 1800-1850.

À titre personnel, ma contribution à cette publication me permet, enfin, de finaliser, sous une forme adaptée, un projet initié onze ans auparavant lors du colloque d’Annecy (27e BCA – Alpyfort, 2015) et portant sur les fortifications françaises du Premier Empire et, plus particulièrement, le général Chasseloup de Laubat.

À cet effet, il m’a été donné d’intervenir lors du colloque de Cologne (2014) et de rédiger — plus difficilement, car en langue allemande — une communication conséquente à ce propos : (trad. libre) Le général Chasseloup de Laubat et l’influence de Napoléon Bonaparte sur les fortifications en Italie du nord (1796-1830).

C’est tout à l’honneur de nos hôtes (et amis) allemands de la DGF !

Bien cordialement


JMB 


Vers la page sur le site de l’éditeur

Le canon de campagne de 75 mm modèle 1897 – illustration d’un mythe

Lorsqu’il s’agit de masquer une série d’erreurs dans les choix doctrinaux commis avant le premier conflit mondial, on n’hésite pas à mettre en œuvre un corpus d’opérations de propagande… On conforte ainsi — tout particulièrement au profit de l’arrière — le mythe de la toute-puissance du canon de 75, l’arme de la revanche !

Canon de 75 mm Mle 1897 & son caisson. Cliché datatnt de 1901 d'une pièce affectée au 22e RAC (Régiment d'Artillerie de Campagne) alors stationné à Versailles.
Canon de 75 mm Mle 1897 & son caisson.
Cliché daté de 1901 d’une pièce affectée au 22e RAC (Régiment d’Artillerie de Campagne) alors stationné à Versailles.

En effet, si ce canon de campagne est assurément une merveille technologique qui surpasse aisément les réalisations contemporaines, tout particulièrement celles de l’Allemagne, il masque les choix malheureux réalisés avant le conflit qui reposent presque entièrement sur cette seule pièce. On avait négligé les avertissements de quelques officiers avertis, Rimailho et quelques autres qui, bien au fait des règlements de manœuvre allemands, souhaitaient que l’artillerie française se dote d’obusiers — aptitude au tir plongeant — voire d’une artillerie lourde — aptitude à l’action lointaine et au tir de contrebatterie —avec de graves conséquences dans les premiers temps du premier conflit mondial.

 

Certificat bonne conduite artillerie [1909]
Bien avant 1914… Dessin illustrant les certificat bonne conduite artillerie [1909]
En attendant mieux, toute une série d’opérations de propagande à la gloire du canon de 75 débutèrent dès la fin de 1914 et durant toute l’année 1915.

De l’action la plus simple… les cartes postales à la gloire du « 75 » et de ses inventeurs

"Les effets de notre 75" s.d. vers 1915
« Les effets de notre 75 » s.d. vers 1915
Les inventeurs du merveilleux canon de français de75 : Deport & Sainte Claire Deville
Les inventeurs du merveilleux canon de français de75 : Deport & Sainte Claire Deville
Le 75 Deport et Sainte Claire Deville
Le 75 Deport et Sainte Claire Deville

 

Au livres & conférences…

TUDESQ (André), COMTE (Illustr. par Louis) - Le canon merveilleux. Les mémoires d'un 75. Paris, Editions et Librairie, 1914 Ouvrage publié au mois de décembre 1914 dont le seul intérêt pour l'histoire de l'artillerie réside dans son très beau cartonnage de l'éditeur et pour la démonstration d'un engouement dont on connaît la suite d'une pièce d'artillerie qualifiée de merveilleuse. Les aventures de la pièce nommée « Revanche » et de son chef de pièce « Nénesse » font l'objet d'un texte empreint d'un patriotisme flamboyant.
TUDESQ (André), COMTE (Illustr. par Louis) – Le canon merveilleux. Les mémoires d’un 75. Paris, Editions et Librairie, 1914
Ouvrage publié au mois de décembre 1914 dont le seul intérêt pour l’histoire de l’artillerie réside dans son très beau cartonnage de l’éditeur et pour la démonstration d’un engouement dont on connaît la suite d’une pièce d’artillerie qualifiée de merveilleuse. Les aventures de la pièce nommée « Revanche » et de son chef de pièce « Nénesse » font l’objet d’un texte empreint d’un patriotisme flamboyant.

 

Une merveille du génie français. Notre 75 [1915]

Une merveille du génie français. Notre 75 [1915]
Il s’agit dans cet ouvrage de mettre en avant les « génie français » mis en œuvre au profit de ce canon. À cet effet, Il comprend une planche hors-texte en couleur comprenant des éléments mobiles — des retombes — permettant d’observer les différents composants de la pièce à l’aide de coupes successives.

Le "75". confrénce faite par Th. Schloessing [1915]
Le « 75 ». confrénce faite par Th. Schloessing [1915]
Schloesing, Alphonse-Théophile (1856-1930, ingénieur du corps des manufactures de l’État, était diplômé de l’École polytechnique. Il succède à son père à la direction de l’École d’application des manufactures de tabac (en 1899), ainsi qu’à la chaire de chimie agricole et analyse chimique au Conservatoire national des arts et métiers (en 1919). Membre de l’Institut, Académie des sciences (élu en 1903). Trop âgé pour participer au premier conflit mondial, il propose une petite monographie qui sans être dépourvue de qualité — au premier chef, son caractère accessible — n’est in fine qu’une hagiographie avant l’heure d’une pièce dont la réputation est portée à son acmé en 1915.
En passant par une série de colifichets…

La « Journée du 75 » a été initiée, sous la forme d’une quête au profit des soldats, par le Touring Club de France le 7 février 1915. Devant le succès de la quête organisée au profit du poilu, cette action fut en fait prolongée pendant toute l’année 1915.

Journée du 75 — 1915 Colifichets patriotiques
Journée du 75 — 1915
Colifichets patriotiques